La norme AFNOR sur les liquides : ce que dit la norme sur la composition des liquides

Ses concepteurs lui ont donné un nom d'une rare élégance poétique :  XP D 90-3001. Elle est née le 11 mars 2015 avec sa sœur jumelle, XP D 90-300-2. Ses deux naissances ne sont pas pas inaperçues puisque bon nombre de médias en ont parlé et ont salué l'évènement. Il s'agit de la norme AFNOR relative aux e-liquides.

Nous avons pu lire ce document qu'il est possible de se procurer ici pour un prix très raisonnable (non, je déconne : plus de 90€ tout de même !!!   ) ou ici pour la norme sur les vaporisateurs (un peu moins cher mais pas encore donné !)

Si les médias et certains sites spécialisés en ont parlé, il nous a paru intéressant d'aller un peu plus loin dans l'information et l'analyse. Je me suis particulièrement penché sur la composition du liquide : qu'est ce qui est autorisé ? Qu'est-ce qui est interdit ? Que peut-on en conclure ?
J'espère que ce texte et les informations qu'il contient vous permettra d'y voir un peu plus clair  

Je signale enfin que ces normes n'ont pas de caractère obligatoire.



1- Les ingrédients entrants dans la composition d’un liquide

1.1- Ce que dit la norme

- le propylène glycol et le glycérol (glycérine végétale) doivent répondre aux exigences de la pharmacopée européenne ou américaine. De plus, le propylène glycol doit être d’une pureté supérieure ou égale à 99,5% ;

- l’eau ainsi que la  nicotine doivent répondre aux exigences de la pharmacopée européenne ou américaine ;

- l’éthanol doit répondre à la nomenclature du Chemical Abstracts Service ;

- les arômes utilisés doivent être de qualité alimentaire telle que définie dans le règlement CE n°1334/2008. Les additifs alimentaires sont autorisés s’ils sont listés dans le règlement Ce n°1333/2008 ;

- d’autres ingrédients sont autorisés à la condition qu'ils apparaissent sur la liste définie dans les règlements CE n°1333/2008 et le 231/2012.


1.2- Commentaire 

Dans l’ensemble, il n’y a rien de très surprenant. Les fabricants et les distributeurs déclarent tous ou presque que leur propylène, leur glycérine sont d’origine pharmaceutique et que les arômes sont d’origines alimentaires. Ils ont maintenant de quoi le prouver !


2- Liste des substances exclues

2.1- Ce que dit la norme

- les substances classées cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques ainsi que les substances entraînant une toxicité pour les voies respiratoires sont interdites. Il s’agit des substances classées CMR1 et 2 ainsi que STOT 1. Je dis cela pour ceux qui comprendraient ce charabia ;

- les huiles végétales et minérales sont interdites. Par contre, il est stipulé que les huiles essentielles n’étant pas des huiles ou des corps gras, elles ne sont pas concernées par cette interdiction ;

- la plupart des sucres sont interdits. Il s’agit du glucose, du fructose, du lactose, du maltose, du saccharose. Certains édulcorants sont aussi interdits : acésulfame de potassium, aspartame, saccharinate de sodium, stevia ;

- les vitamines et minéraux réservés aux compléments alimentaires sont interdits. Leur liste est définie dans la directive 2002/46/CE ;

- aucune molécule active sur le plan pharmacologique n’est autorisée, sauf la nicotine. Donc, pas de substances médicamenteuses, de psychotropes ou d'anabolisants. Pas de stupéfiants, pas de caféine ni de taurine. Inutile de songer à se doper avec des liquides, non mais !  

- les substances pouvant libérer du formaldéhyde sont prohibées. On peut citer le Quatemium 15, l’Imidazolidinyl Urea, le Diazolidinyl Urea, le Méthanol, le 1,3-propanediol. Il y en a d’autres. Pour le plaisir, je citerai le Phénylméthoxyméthanol. Il est beau celui-là, non ?

- certains conservateurs sont interdits, comme le Triclosan, le Phénoxyéthanol, les Parabènes à chaîne longue, l’Isothiazolinone ;

- les substances radioactives sont interdites ;

- la Diacétyle et l’Ethylène Glycol sont aussi interdits.


2.2- Commentaires


1- Il est surprenant de constater que les huiles essentielles ne soient pas interdites ou, en tout cas, qu’elles soient balayées d’un revers de la main. Aussi, il semble tout à fait possible que des liquides à base d’huiles essentielles soient estampillés « normes AFNOR ». Or, selon le Dr Presles, deux cas de pneumonies lipidiques ont été constatées chez des vapoteurs qui ont ajoutés des huiles essentielles. On le sait aussi, certaines huiles essentielles ne sont clairement pas faites pour être inhalées. A mon sens, à moins que le Dr Presles se trompe, il y a manifestement un problème qui n’a pas été traité.

2- Les rédacteurs ont tenté de lister le périmètre le plus exhaustif possible de substances potentiellement dangereuses. En soi, la démarche est respectable. Cependant, elle présente un gros risque : en tentant de lister les ingrédients interdits, il y a forcément des zones d’ombres, des produits dangereux non cités ou oubliés, même si les participants à cette norme ont tenté de balayer le plus large possible. Il est tout à fait possible de penser que ce qui n’est pas autorisé mais pas spécifiquement exclu est donc toléré.

Prenons un exemple. Suite à l’affaire du Mother’s Milk (voir ici pour plus de détail), j’ai cherché derechef l’Acétyl Propionyl, de son petit nom 2,3-Pentanedione. Introuvable ! Or, tout comme la Diacétyle, si l’Acétyl machin truc est sans danger dans l’alimentation, son inhalation n’est pas recommandée pour la santé. Peut-on donc dire qu’un liquide qui contient de l’acétyl Propionyl est toléré dans le cadre de cette norme ?  

Puisqu'il s'agit ici de normes expérimentales, on peut aussi penser que les rédacteurs n’ont pas voulu être trop contraignants et ont donc souhaité se laisser un peu de souplesse. cela en laisse autant aux profiteurs.

Aussi, je ne peux que conseiller aux rédacteurs de la norme de ne pas tenter de courir à lister toutes les substances interdites mais bien se concentrer sur ce qui peut être autorisé et donc, d’interdire clairement tout ce qui n’est pas autorisé. Mais la démarche consistant à lister les trucs autorisés mais aussi lister les trucs interdits ne me paraît pas très saine. Elle est surtout casse-gueule. A mon sens, cela laisse une porte ouverte à certains filous magouilleurs.
En tout cas, en l’état actuel, rien ne semble s’oppose à ce qu’un liquide aux huiles essentielles rehaussé d’un petit peu d’Acétyl Propionyl puisse être estampillé aux normes AFNOR.

3- Un petit mot sur l’interdiction des sucres. A notre connaissance, le périmètre de l’interdiction est large mais pas exhaustif. Par exemple, le sucralose ne nous semble pas apparaître pas dans cette liste. Ensuite, on peut s’interroger sur cette interdiction.   A ce jour, rien n’indique une dangerosité quelconque à vaper du liquide sucré. Il est donc tout à fait possible qu’il y ait là une volonté de rendre les liquides moins attrayants pour les mineurs. Or, la vape étant interdite aux mineurs, au lieu de vouloir rendre cette dernière moins attrayante, on ferait déjà mieux d’appliquer les lois votées. Ce serait déjà un bon début.


3- Seuils de tolérance dans le liquide

3.1- Ce que dit la norme

S’il est expressément écrit qu’un liquide ne doit pas être fabriqué à l’aide de diacétyle, de formaldéhyde, d’acroléine et d’acétaldéhyde, les rédacteurs ont bien eu conscience que ces substances pouvaient quand même être décelées à des doses infimes. Il s’agit là d’impuretés qu’ils ont jugées inévitables.
Alors, ils ont établi un seuil maximum autorisé de ces substances dans le liquide. Pour la diacétyle, l’acroléine et le formaldéhyde, le seuil est fixé à 22 mg/l. Pour l’acétaldéhyde, il est de 200 mg/l.
De même, il existe de seuils maximum de présence autorisée de métaux lourds dans le liquide :
- Plomb : 10 mg/l ;
- Arsenic : 3 mg/l ;
- Cadmium : 1 mg/l ;
- Mercure : 1 mg/l ;
- Antimoine : 5 mg/l.


3.2- Commentaire 

L’idée d’autoriser une certaine tolérance pour les substances potentiellement dangereuses à la condition que la concentration de ces dernières soit sans danger pour la santé est une bonne chose. En effet, aujourd'hui, il est difficile d’avoir un liquide absolument et totalement pur. Il paraît que l’on trouve même des métaux lourds dans de l’eau de pluie ou en bouteille. De plus, les seuils fixés sont ceux qui apparaissent dans la directive européenne sur les arômes alimentaires. Cependant, on ne peut que rejoindre l'idée du Dr Farsalinos qui appelle de ses vœux la fabrication d'arômes spécifiquement dédiés à la vape et donc d'abandonner les arômes alimentaires. La mise en place d'arômes dédiés à la vape permettrait probablement de diminuer les seuils de tolérance de ces substances potentiellement à risque, voire de les éliminer totalement.


4- Conclusion

Quoi qu'on puisse penser de ces normes, et nous laissons le lecteur seul juge, n'oublions pas qu'il s'agit ici d'une norme expérimentale qui sera probablement amenée à évoluer.
En effet, si elle tente de cadrer les choses et propose un cadre normatif propre à apporter plus de sécurité et permet de rassurer le consommateur, elle présente néanmoins quelques zones d'ombre qu'il conviendrait de préciser ou de gommer à l'avenir.
Si les fabricants se bornent à fabriquer les liquides à partir des substances autorisées, il n'y a pas de problème particulier, hormis celui concernant les huiles essentielles que le forum ne peut que déconseiller au vu de nos connaissances actuelles, normes AFNOR ou pas.
Par contre, certains margoulins pourraient être tentés de jouer avec la liste des substances interdites. Rien ne semble interdire expressément d'utiliser de l'Acétyl Propionyl, ce dérivé de la Diacétyle alors que cette dernière est elle-même prohibée.
Enfin, si cette norme présente une clarification bienvenue, reste le problème du contrôle et aussi des sanctions appliquées au contrevenant. Combien de contrôles ou d'audits ? Que risque les éventuels contrevenants ? Le public sera-t-il informé ou tout se réglera derrière les portes d'un bureau ?

Merci de m'avoir lu et bonne vape !

Merci Franck.
Si j'ai bien tout compris, cette norme n'a aucun caractère d'obligation.
Le problème d'éventuels contrôles ne se pose donc pas.
Sauf pour un fabricant à faire contrôler ses propres productions par
un "labo indépendant" ...
Simple manœuvre marketing ?...

les substances radioactives sont interdites

 on est sauvés !!!

Bon, comme tu le sous-entends (un peu) "arômes alimentaires" ça ne résout en rien le soucis de salubrité en consommation par inhalation / vaporisation, il y a plein de Exxx dans les arômes, dont pas mal interdits depuis longtemps hors de France (autorisés chez nous), et ce juste pour l'alimentaire, pour la vape on ne sait pas mais comme c'est aux normes on doit se sentir rassurés / protégés

En attendant je connais un labo équipé qui doit s'en frotter les mains et se taper sur le futur gras du bide qu'ils vont se faire

@ Mc Bilou :

Si j'ai bien tout compris, cette norme n'a aucun caractère d'obligation.
Le problème d'éventuels contrôles ne se pose donc pas.
Sauf pour un fabricant à faire contrôler ses propres productions par
un "labo indépendant"

Ben, j'espère que si, car elle se pose pour moi. Bien sûr, ces normes n'ont pas de caractère obligatoire. Cependant, à partir du moment où un fabricant fera des démarches pour les intégrer, j'espère qu'il est prévu des contrôles réguliers et fréquents. S'il y a un contrôle tous les 10 ans...
Dans un article écrit sur le sujet, j'ai lu que les irrégularités par rapport aux normes seraient sanctionnées par des amendes. Mais ce point est à vérifier. En tout cas, cela me plaît moyen si c'était le cas : le fabricant peut continuer à prétendre répondre aux normes AFNOR, le client n'est informé de rien du tout.
Donc les questions de la sanction et de l'information fournie au client en cas d'infractions ainsi que de la fréquence des contrôles éventuels sont primordiales au risque effectivement de rester dans la communication de bon aloi.

@ bidochon :

on est sauvés !!!

Cela m'a amusé aussi

Pour l'acétyl propionyl si il est considéré que "son inhalation n’est pas recommandée pour la santé" il rentre peut être dans le cadre des "substances entraînant une toxicité pour les voies respiratoires". Si ce n'est pas le cas alors on a déjà un trou dans le filet mais une norme est faite aussi pour évoluer.

Concernant les sucres la question ne se pose pas je pense pour les "vrais" qui caramélisent les atos (glucose, fructose) mais pour les édulcorants. Bon je dirais que tant qu'il y a le sucralose (le "sweetener" par exemple) l'essentiel est sauvé! mais  on peut quand même se demander "pourquoi ?" (sauf pour l'aspartame qui fait déjà polémique par ailleurs )

PS: un certain nombre des seuils maxi sont en fait les seuils de détection avec les moyens actuels (et prévus par la norme).

@ Bibi : Tout le monde sait que la radioactivité n'existe pas en france.
D'ailleurs même lors d'un "accident" à l'étranger, elle s’arrête à nos
frontières...

Beaucoup de temps à discuter pour sortir une norme qui demande à évoluer....

Normal quoi (c'est par définition le principe d'une norme XP à la française)

Merci Franck pour cette synthèse et pour l'aspect restrictif des produits interdits au lieu de se concentrer sur ce qui serait autorisé et de ce fait le reste étant interdit ...

Par contre j'ai une question pour celui, ou celle, qui se serait procuré cette norme (je n'ai pas l'intention de dépenser 1 cent pour l'acheter) :

Elle traite seulement la composition des e-liquides, ou inclut-elle également les conditions et procédures de fabrication, d'embouteillage, d'étiquetage et de stockage ?

Il me semble que cette question est légitime, car utiliser et manipuler des produits conformes à la pharmacopée dans un environnement pollué, et sans précaution particulière, serait pour le moins aberrant, non ?

@ VapeAdomicile :

Elle traite seulement la composition des e-liquides, ou inclut-elle également les conditions et procédures de fabrication, d'embouteillage, d'étiquetage et de stockage ?

Non, elle ne traite pas que de la composition de liquide mais c'est ce point qui m'a paru le plus important.

Par contre, je n'ai rien vu sur les procédures de fabrication, on peut donc faire du liquide à la main sans gants. Je n'ai rien vu non plus sur les procédures de stockage.
Il n'y a pas non plus à proprement parler de procédures d'embouteillage et d'étiquetage.
Il y a des indications des obligations et des interdictions, mais pas de procédures.

Par exemple, il est indiqué que les bouteilles doivent ne pas être fabriquées avec des matériaux susceptibles de se dissoudre dans le liquide. Par exemple, le polystyrène et le polycarbonate sont interdits.

Il y a en plus des règles les informations qui apparaissent sur les étiquettes. Mais pas plus que ce que nous avons souvent  : composition, messages de précaution, interdiction aux mineurs, numéro de lot, etc.

Une seule chose obligatoire est demandée : une notice d'information. A priori, cette notice d'information peut être disponible que sur le site du fabricant. Dans ces conditions, il faut indiquer le site web sur le flacon.

Rien de transcendant en somme. Il faut savoir que cette norme fait une quarantaine de pages avec les annexes et que la moitié du texte est consacrée à la façon d'analyser les liquides.

Voilà voilou   J'espère avoir répondu à tes interrogations